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Vivre et faire

Les conditions de notre participation effective imposent des règles et des obligations qui doivent être acceptés de tous et mises en œuvre par chacun.

L'esprit dans lequel la Convention des Nations Unies relative aux Droits des Personnes Handicapées (CDPH) a été bâtie, la dynamique qui en forge l'âme, à savoir la participation pleine et entière des personnes qui luttent pour la libération de leur pairs, est une condition essentielle et incontournable à sa mise en œuvre mais qui peine à être comprise. En ouvrant la porte du club trop fermé des Droits Humains à une partie de l'humanité, la CDPH « renverse la table » en quelque sorte, elle inverse les rapports de force pour que le droit ne soit plus dicté par les seuls aidants ou soignants, mais écrit par les premiers concernés, à savoir les "soignés" et les "aidés", et pour que les adaptations de la société aux capacités de tous, les créations et les transformations qu’impliquent la ratification de la CDPH soient mises en œuvre avec leur contribution.

 

La France a Ratifié la CDPH en 2008 mais la table n'est pas renversée pour autant, elle a même remis le couvert juste avant son adoption en 2006, et lors des réunions qui conduisent le rapport de la société civile sur la mise en œuvre de la CDPH en France, la participation effective des personnes chargées des expériences qu’il s’agit d’éviter relève parfois de l’anecdotique ; comme à sa réunion du 17 janvier 2017 quand sur 23 participants, 3 ou 4 étaient visiblement en situation de handicap, 2 ou 3 devaient être des parents ….  

Après 30 ans de vie associative dont 20 sur le plan national et international, je peux également témoigner que les représentants et les experts que je croise de réunions en réunions sont souvent les mêmes et que trop peu d'entre eux sont chargés d'une expérience personnelle des situations, des désavantages et des discriminations qu'il s'agit de prévenir, d'éviter ou à défaut de compenser. Tous sont sincères, certains très engagés, mais tous occupent une place qu'il doivent penser à libérer ou à partager. Il ne s'agit plus de soigner ou de seulement protéger mais de mettre en capacité et de libérer.

Les moyens de la représentation des personnes reconnues « handicapées » qui vivent en dehors des structures médicosociales ou « institutions » sont quasi inexistants, et mêmes réunies en associations nous connaissons de grandes difficultés à réunir les moyens de notre fonctionnement, ne pouvant souvent compter que sur nous mêmes avec ce qu'il nous reste d'énergie après avoir surmonté les défis du quotidien. Alors comment faire ? Certainement pas en continuant à privilégier les solutions et procédures les plus économiques ou les plus rapides, mais en soumettant ces exigences de bonne gestion à la meilleure participation possible de l’usager, et ce quelques soient ses capacités.

Faire avec les personnes les plus restreintes dans leurs capacités, c'est plus compliqué, plus long, parfois plus cher et toujours plus coûteux en énergie, nous ne le savons que trop. C'est à cette réalité que se propose de s'attaquer la Convention, c'est le défi que pose le projet de désinstitutionalisation : Vivre avec plutôt que vivre à côté, et faire avec plutôt que de faire pour.

Notre société y est-elle prête ? Nous savons que non. Comment l'y préparer est donc la question à se poser collectivement maintenant, et notamment à l'occasion de la campagne présidentielle.

Jean-Luc Simon

Janvier 2017