Le 13 avril prochain la Coordination Handicap et Autonomie organise son assemblée générale annuelle. C’est un temps administratif obligatoire pour toute association, mais c’est aussi le moment de faire le bilan des actions écoulées, de réfléchir sur les perspectives à venir, ainsi que de compter ses forces. Les documents de l’A.G. seront mis en ligne dès qu’ils auront été approuvés.
Le bilan est loin d’être négatif, sauf sur le plan financier, mais ceci s’explique aisément.
Depuis notre création, 2002/2007, nous nageons à contre-courant et la loi de février 2005 n’a pas tenu toutes ses promesses.
Je ne vais pas retracer ici l’historique des 10/12 années écoulées ; vous pouvez retrouver tout cela dans un article, De l’intégration sociale à la vie autonome que j’ai rédigé pour l’ouvrage collectif d’Eve Gardien Des innovations sociales par et pour les personnes en situation de handicap (2012). Comme je l’écris dans ces quelques lignes la politique en matière de handicap en France est toujours largement influencée par le modèle médico-social, et, je le crains, elle le restera encore pour de nombreuses années, creusant encore davantage le fossé qui nous sépare des pays anglo-saxons et scandinaves, même s’il convient de reconnaître que le paradis sur terre n’existe pas.
Ainsi, nous prenons conscience en 2012 que l’objectif du 1er janvier 2015 en matière d’accessibilité ne pourra pas être tenu ; et en dépit du discours ambiant sur l’inclusion sociale on continue à construire des établissements pour personnes handicapées en périphérie de nos grandes villes éloignés de tout transport accessible ; cherchez l’erreur !
Le concept de Vie Autonome (« Independent living ») tel qu’il a été pensé, élaboré en Amérique du Nord dans les années 60 à 80, puis dans les pays Scandinaves dans les années 90 et qui fait de la participation sociale un paradigme incontournable, fait toujours partie du domaine de l’utopie chez nous. Sans la mise en œuvre d’une compensation à la hauteur des besoins réels des personnes, moyens humains, techniques et financiers, sans une accessibilité généralisée dans toutes ses composantes, l’inclusion des personnes dites handicapées au sein de notre société restera un leurre, au mieux, un parcours du combattant . Ainsi le vivre ensemble, le changement de regard que tout le monde préconise restera un vœu pieux.
En 1980, lors d’une conférence internationale à Winipeg, Canada, rassemblant des professionnels en grande majorité, du « monde du handicap » un groupe de personnes handicapées a décidé de faire scission sous l’impulsion du canadien Henry Enns et de prendre leur destin en main ; ils créèrent par la suite l’Organisation Mondiale des Personnes Handicapées, l’OMPH. Puis ce fut l’Europe qui créa son propre mouvement : l’ENIL, Réseau Européen pour la Vie Autonome, dont la France était absente jusqu’à il y a peu, hormis quelques individualités. Ce vaste mouvement allait aboutir en 2006 à l’adoption de la Convention des Nations Unis relative aux Droits des Personnes Handicapées.
Ces dernières réflexions semblent fort éloignées de mon propos initial ; pas autant que cela…
Faisons le parallèle : alors qu’aux Etats-Unis et au Canada le Mouvement pour la Vie Autonome allait largement influencer les politiques publiques, en France la loi dite « d’Orientation sur l’Intégration des Personnes Handicapées » de 1975 a gravé dans le marbre toute la règlementation du secteur médico-social, et ce n’est pas la loi de 2002 qui fondamentalement, la remit en cause, puisqu’elle n’a fait que conforter la politique d’institutionnalisation. Rétrospectivement on constate que le mouvement de défense des droits des personnes handicapées n’a pas connu la même ampleur chez nous. S’il est - relativement bien sûr- facile de mobiliser les gens pour des actions limitées il est plus difficile de demander à quelqu’un qui doit se battre pour sa « survie » à domicile de s’engager sur la durée. Comme pour les coureurs de marathon un tel engagement requiert endurance et abnégation.
Jean-Pierre Ringler